ARMES STATISTIQUES
Les statistiques sont comme toutes les armes.
Efficaces quand on sait s'en servir. Potentiellement dangereuses quand on les manipule mal, ou pire, quand elle sont manipulées par des tiers plus ou moins honnêtes.
Depuis le début de cette moche année 2020, on voit bien que des gens sont malades et meurent, on voit bien que certains hôpitaux sont surchargés, voire vraiment dans la merde, on voit bien aussi que beaucoup de personnes, professionnels de santé ou pas, sont en désaccord sur les causes et les conséquences, présumées, mesurées, craintes ou estimées.
Depuis le début, un atavisme scientifique revient me sauter à la gueule, alors que j'ai tout fait pour l'enterrer au fond du jardin. Il faut dire qu'il est difficile de l'éviter, ce covid. Difficile d'éviter les débats à ce sujet, vu que les décisions qui ont été prises se sont invitées jusque dans les moindres détails de nos vies. Difficile aussi de supporter les interprétations merdiques, voire les manipulations, à base de chiffres. C'est ça qui me fait sortir du bois ! Lorsque j'enseignais les statistiques, je passais beaucoup de temps à expliquer que les conditions de collecte des données et les interprétations étaient beaucoup plus importantes que les calculs eux-mêmes, qui ne sont que de la vulgaire arithmétique. Il faut juste s'assurer qu'on choisit des critères non discutables et qu'on a des données-source fiables. C'est la base. Après, le problème commence. Comment les ordonner ? Comment les interpréter ?
Depuis le début, on peut sentir arriver le merdier. Qui est malade de quoi ? Qui est mort de quoi ? Mort du covid ? Mort avec le covid ? Mort à cause de la gestion du covid ? De pas assez de précautions (contagions) ? De trop de contraintes (isolement, dépression, peur d'aller à l'hopital pour les autres pathologies, suicides…)? J'en passe.
Dans ces cas-là il faut revenir à des bases. Statistiquement c'est possible. En prenant du recul. Prenons une interrogation de base, subjective certes : la 'gravité' de la pandémie.
Prenons des chiffres difficile à remettre en question : le nombre de morts recensés en France, toutes causes confondues. Les morts enregistrés dans les communes, ajoutés les uns aux autres, point barre. Prenons une période assez longue, de janvier à novembre. Comparons avec la même période des années précédentes. Trouvons une source réputée fiable : l'Insee.
C'est parti. Quand on sait ce qu'on cherche, c'est très simple. On trouve très vite un tableau qui s'intitule "Décès quotidiens en 2020 comparés aux cinq dernières années (2015-2019) et à la canicule de 2003"
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4931039#tableau-figure12
Pas trouvé de cumul, donc importation des données dans excel et hop, sommations (sans tirs)
Résultats des courses, nombre de décès du 1er janvier au 26 octobre (en enlevant le 29 février 2020)
2018 : 498 869 / 2019 : 498 298 / 2020 : 509 655
(moyenne même période 2015 à 2019 : 490 714)
Donc, résultats de cette petite 'étude', pour le nombre de décès en 2020 :
+ 2,16 % par rapport à 2018
+ 2,28 % par rapport à 2019
(+ 3,86 % par rapport à la moyenne 2015 à 2019)
À noter :
- l'augmentation de la population n'est pas prise en compte, mais comme elle est de 0,27 % par rapport à 2018 et de 0,13 % par rapport à 2019, c'est presque négligeable si on s'en tient à ces deux années-là.
- les décès concernent apparemment les personnes enregistrées sur place dans chaque commune, y compris les étrangers, donc ce ne sont pas les mêmes références que le décompte de la population française. Mais certaines données peuvent peut-être se contre-balancer, si on considère que des français meurent à l'étranger.
Conclusion ? Par respect pour celles et ceux qui sont morts, je ne me permettrais pas de conclure quoi que ce soit. D'ailleurs le propos des statistiques n'est pas de conclure. Il est d'étudier, et de donner à réfléchir.
Est-ce que 2 % de décès en plus, c'est 'grave' ou pas ? Est-ce que le battage et les répercussions des décisions prises sont justifiables par ces chiffres-là ? Par d'autres chiffres ? À chacun de se faire son opinion. Mais au moins, avec quelques données indiscutables.
Évidemment, ces chiffres-là ne mesurent rien d'autre que les morts. Ils ne mesurent pas ce qui est non mesurable : la souffrance de chacun. Les souffrances de tous.
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Autres pistes de réflexions, non creusées, concernant les 'chiffres':
On parle de "cas de covid" en recensant le nombre tests positifs.
- On ne devrait pas parler de "cas" pour des gens qui ne sont pas malades mais de positivité au test (quel test, quels tests ?)
- Vu qu'on fait de plus en plus de tests, la valeur absolue du nombre de positifs n'a pas beaucoup de sens. Tout le monde le reconnait, mais ça n'empêche pas les grands JT d'afficher un compteur effrayant, sans mode d'emploi rappelé comme il se devrait.
- Le pourcentage de tests positifs serait plus approprié, mais toujours difficile à interpréter : qui se fait tester, pour quelles raisons ? Si ce sont essentiellement des "cas contact", ça fait évidemment monter le pourcentage. Impossible d'en tirer des conclusions fiables sur le pourcentage d'infection de la population totale!
On parle de lits de réanimation occupés par des "patients covid". On comprend bien qu'il y a parmi eux beaucoup de gens qui souffraient d'autre chose, et qui y seraient aussi sans le covid. D'ailleurs, les années précédentes, beaucoup d'hôpitaux étaient déjà en saturation à la même époque. Encore un compteur effrayant non suffisamment décrypté.
Quant aux masques…
J'insiste : ces considérations, ces questionnements, ne réduisent en rien les souffrances et la détresse des malades, qui sont immenses, parfois terribles. La question est : est-ce transparent ? Est-ce même honnête ?
Pr Quolibet
(scientifique atavique, épris d'activités non essentielles)
7 novembre 2020 Quolibet BILLET
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